« Depuis la mort littéraire de J.D. Salinger, les enfants-poissons se font rares. De toute façon, muets comme ils étaient, il n'y avait pas grand-monde pour les écouter. L'art du jeune Laurent Achard consiste à pister ces derniers poissons à visage humain, ces petits têtards, ces petits d'homme. Ce qui ne veut pas dire, loin de là, que son cinéma coule de source. Les sources sont secrètes, il faut connaître le mot de passe. Se souvenir de ce qu'on appelait, peut-être abusivement, « le cinéma ». Plus qu'hier, moins que demain, il faut attendre qu'il vienne, il faut patienter. Il appartient à l'école classique, celle de Renoir, celle de Ford. L'enfant-poisson, ce n'est pas Tarzan, il ne vous saute pas dessus comme Johnny Weissmuller. Est-ce que c'est un enfant-poisson, d'ailleurs? Ce serait plutôt un cadet d'eau douce, un chat écorché qui n'a pas peur de faire sa vie dans les rivières. Un enfant d'eau douce, qui ne pleurerait pas devant? Eau douce ne veut pas dire cinéma lacrymal. Même les larmes, ça se met en scène. Stahl savait, Sirk savait, McCarey savait. Le jeune Achard sait aussi. »
(Louis Skorecki, Libération, Novembre 2001)