Histoire & Imaginaire du Jura

© Passe montagne, Jean-François Stévenin
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’EST
Au sud de Belfort s’étend une chaîne de montagnes : le Jura. Ses paysages vallonnés ont inspiré de nombreux cinéastes. Leurs films révèlent à la fois l’âme et l’histoire de ce territoire secret. Suite à la rétrospective des Journées de Soleure, Entrevues Belfort propose un parcours en 9 films à travers le massif jurassien.
L’Arc jurassien s’étend du canton suisse de Bâle-Campagne jusqu’au nord du département de l’Isère. Des cluses, des forêts de sapins, des lacs souterrains et des hivers sibériens caractérisent cette région. En tant que territoire frontière, ce paysage favorise l’activité des contrebandiers. Un rôle souvent attribué au Jura est celui de scène de crime, comme dans No Man’s Land d’Alain Tanner, tourné entre Pontarlier et La Chaux-de-Fonds. Trafiquants occasionnels, les personnages du film rêvent d’un ailleurs vers lequel la proposition d’un banquier – faire passer une coquette somme de l’autre côté de la frontière – devrait leur donner les moyens de s’échapper. Pourront-ils compter sur la complicité des forêts jurassiennes pour réussir leur coup ?
Western intérieur
Celui qui s'enfonce dans les paysages jurassiens peut s'estimer heureux d'avoir une panne de voiture. Un architecte parisien en fait l'expérience dans le film Passe montagne (1978), où il est miraculeusement accueilli – peut-être même sauvé – par le Jura. Le film a été réalisé par l'acteur Jean-François Stévenin, natif de Lons-le-Saunier, aux yeux duquel le Jura était un décor de western et ses habitants de lointain cousins des peuples indiens. L’ancien valet de ferme et protagoniste du documentaire Feu, fumée, saucisse (1976) de Lucienne Lanaz, et le fossoyeur filmé par Jean-Michel Barjol dans La Peau dure (1969), s’imposent également comme d’authentiques figures de western : l’un fume des saucisses dans le Jura bernois, l’autre affronte la mort dans un village du Jura français. Chacun, face à la caméra, dévoile son univers intérieur, mélange d’attachement aux traditions et de poésie.
Nature et industrie
« Il n'y a que la Suisse au monde qui présente ce mélange de la nature sauvage et de l'industrie humaine », écrit Jean-Jacques Rousseau dans Les Rêveries du promeneur solitaire. Sur le sommet du Chasseron, il médite sur les activités commerciales auxquels les paysages jurassiens servent de coulisse. Quelles conséquences pour l’humain entraîne leur développement ? Le moyen métrage Les Hommes de la montre (1964) d’Henry Brandt poursuit la réflexion du philosophe en mettant en relation l’activité d’un des derniers paysans horlogers du Val de Travers, confectionnant des horloges à domicile, avec l’automatisation en cours dans l’industrie horlogère. Le Jura résistera-t-il à la frénésie du monde moderne ? Dans ses courts et long métrages documentaires Du soleil en hiver et L’Apprenti, Samuel Collardey invite à croire que oui. On y découvre des adolescents du Haut-Doubs initiés à la vie rurale. L’agitation des villes semble très loin. Pas de doute : nous sommes bien dans le Jura.
Emilien Gür et David Wegmüller






