Nancy Savoca

Donna, Rose, Teresa... et les autres

Fille de parents immigrés d’Argentine et de Sicile, Nancy Savoca travaille dès les années 80 à se tailler une place à part au sein du cinéma indépendant américain. Passée par la New York University, la native du Bronx va d’abord réaliser trois longs métrages centrés sur des familles italo-américaines et des personnages féminins tiraillés entre leur désir de liberté et le devoir de communauté. La première de ces « no good mother / no good wife / no good daughter » (comme elle le dit elle-même) est Renata, dans le court métrage éponyme réalisé en 1982 : jeune mère, Renata (Marianne Leone) subit l’ire de ses parents lorsqu’elle annonce vouloir quitter son mari violent. On retrouve Renata en tante sympathique dans True Love (1989), premier long métrage et chronique mi-tendre mi-désabusée du mariage entre Donna (Annabella Sciorra) et Michael (Ron Eldard). Si Savoca sait accueillir dans son récit l’amour fou qui unit les tourtereaux, elle ausculte surtout ses personnages masculins qui, ne voyant dans le mariage qu’une forme d’emprisonnement, se tournent vers d’autres rituels plus alcoolisés. Surtout, elle apporte une tonalité nouvelle à la tragi-comédie, rappelant dans son goût pour les portraits amples autant que la transgression des codes cinématographiques, l’œuvre de Robert Altman ou John Sayles (ce dernier ayant très tôt soutenu Savoca).

Le temps d’une nuit, Dogfight (1991) conte les aventures de Marines en route pour le Vietnam et qui tiennent le pari de séduire la fille la plus laide de San Francisco. Lorsque Eddie (River Phoenix) soumet Rose (Lili Taylor dans l’un de ses premiers rôles) à son jeu pervers, celle-ci découvre le pot aux roses et s’enfuit. Dogfight aurait pu s’arrêter là, mais si le film est rythmé par la folk contestataire des années 60, Savoca se revendique plutôt d’un goût pour l’imprévu hérité de la musique jazz. Une fois le machisme exposé dans toute sa brutalité, le jour se lève et une alliance peut paradoxalement se dessiner entre le garçon traité comme chair à canon et la fille politisée qui rêve de s’extirper d’une vie confinée au café tenu par ses parents. Dogfight prend la forme d’une dérive jamais utopiste, mais qui laisse advenir ses personnages et note le passage du temps sur les corps et les idées. Ce goût pour la bifurcation atteint son apogée en 1993 avec Household Saints, portrait en trois générations de femmes de Little Italy après la Seconde Guerre Mondiale. Le boucher Joseph (Vincent d’Onofrio – à noter que toute une partie du casting de Household Saints réapparaitra dans la série Les Sopranos) gagne sa future femme Catherine (Tracey Ullman) lors d’une partie de cartes. Ni conservatrice ni progressiste, Catherine devra supporter une belle-mère
superstitieuse et la naissance de Teresa (Lili Taylor, encore), petite fille obnubilée par le Christ. Dans cet étrange film d’époque mettant à l’épreuve la lucidité des personnages autant que celle du spectateur, Nancy Savoca refuse de choisir entre comédie (à l’italienne) et mélodrame, préférant nous donner à voir cette part inaliénable de mystère où prend source notre vie quotidienne.

Vincent Poli

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